Trois erreurs sur l’identité

Le journal gratuit “20 minutes” a été le premier à publier un article sur mon dernier livre, ou plutôt deux articles, une petite synthèse intitulée “Trois erreurs sur l’identité” et une interview ,”ça va exploser !” Le titre de l’interview a déclenché sur divers sites une avalanche de commentaires allant dans tous les sens mais la plupart du temps pleins de violence et de haine raciste, confirmant par là les craintes que j’exprime dans ce livre. L’article, qui se contente d’essayer de décrire les mécanismes identitaires, pour essayer d’aider chacun à comprendre ce qui se passe, lui n’a rien provoqué du tout. On cherche de moins en moins à comprendre aujourd’hui, on veut exprimer sa colère.

J’ai donc préféré reproduire ici l’article plutôt que l’interview, il est signé Faustine Vincent.

SOCIETE – Dans son livre «Identités, la bombe à retardement» (Ed. Textuel), le sociologue Jean-Claude Kaufmann pointe trois grandes erreurs sur la notion d’identité. «20 Minutes» vous dit lesquelles…

En cette époque de crispations et de revendications identitaires (stigmatisation des Roms, des noirs, des juifs, des musulmans, des homosexuels,etc…), nous parlons tous d’identité en croyant savoir ce dont il s’agit, comme si cette notion allait de soi. Dans son ouvrage Identités, la bombe à retardement, le sociologue Jean-Claude Kaufmann rappelle qu’il s’agit au contraire d’une notion floue, dont la définition incertaine recouvre des enjeux politiques considérables, et pointe les trois erreurs principales que l’on fait à son sujet.

>>> Lire l’interview de Jean-Claude Kaufmann

Première erreur: Croire que l’identité renvoie à l’histoire, à notre mémoire, à nos racines. En fait, c’est exactement le contraire. «C’est un travail de l’individu, explique le sociologue. L’identité renvoie à une subjectivité en vue de produire du sens» et résulte des multiples choix que l’on fait à chaque instant.

Jean-Claude Kaufmann rappelle d’ailleurs que «l’emploi inflationniste du terme ne date que d’un demi-siècle» et qu’avant, hormis dans l’administration, il était rarement question d’identité car l’individu était défini par les cadres institutionnels et les structures collectives qui le portaient. Avec leur dissolution, la question de l’identité est devenue centrale, ce qui est caractéristique des sociétés contemporaines.

Deuxième erreur: Confondre l’identité avec l’identité administrative, fondée sur des caractéristiques objectives de l’individu (sexe, date de naissance, couleur des yeux, etc). Aux yeux de l’administration, l’individu est défini par ses papiers. Mais l’identification administrative a été mise en place uniquement pour permettre à l’Etat de ne pas confondre une personne avec une autre. Cette vision étroite de l’identité ne saurait se confondre avec ce qu’elle est en réalité, à savoir «une production du sens de sa vie», souligne Jean-Claude Kaufmann. «D’autant que l’on n’a pas une seule histoire mais des histoires multiples. On puise dans ce stock pour constituer son identité et faire un totalité qui fait sens», explique-t-il.

Troisième erreur: Croire que l’identité est fixe, homogène, stable et fermée. «L’identité n’est jamais une ‘’essence’’ ou une ‘’substance’’[…]. En réalité le processus identitaire est en mouvement permanent», précise le sociologue.

De ces erreurs et confusions peuvent naître «l’engrenage pervers qui renforce les intégrismes identitaires», avertit Jean-Claude Kaufmann. D’où la nécessité, selon lui, «d’ouvrir et structurer le débat de façon plus rigoureuse» pour éviter les dérives potentielles.

Faustine Vincent

 

 

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1 commentaire

  1. Christian
    9 octobre 2015 - 11:06

    En 2012, quand j’ai lu ton article sur l’identité en ligne; ca ma donner des pistes à exploité dans une leçon de classe. Nous vous encourageons du travail de pionnier que vous fait. Merci!

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