Les repas du troisième type

L’affiche d’un spectacle avec Isabelle Meyer

Telle semble être la nouvelle règle du jeu des repas d’aujourd’hui : être bien ensemble tout en étant bien avec soi-même et libre de s’évader.

Cette règle explique le développement rapide (et très symbolique de notre époque) d’une nouvelle sorte de repas, que l’on pourrait appeler les « repas du troisième type ». Ni repas ordinaire un peu trop routinier, ni repas de réception un peu trop guindé, ni grignotage individuel, ni discipline collective trop stricte. Mais un repas à la fois festif et simple à préparer, ludique comme une dînette enfantine, où chaque convive se sente libre de bouger à son aise, dans une position confortable (délaissant souvent les chaises hautes et raides). Les récipients peuvent parfois afficher la modestie d’assiettes en carton, cela n’a pas d’importance. Car ce qui compte est ailleurs. Il faut surtout que les aliments apparaissent comme autant de bouchées de plaisir instantané et bien identifiable, renvoyant à un univers de sensations et de dépaysement. Pour quelques secondes, une promesse d’intensité et d’évasion. Chaque convive doit reste libre de composer son propre parcours, bouchée après bouchée. Ou plutôt de l’improviser, le désir de l’instant déjouant souvent tous les programmes.

Le convive des repas du troisième type vit apparemment une sorte de dédoublement de la personnalité. Tout en participant sincèrement à la vie de groupe, son esprit vogue dans de secrètes aventures personnelles. Il laisse flotter son regard sur les micro-tentations diverses, qui déclenchent des envols imaginaires. Et soudainement il craque, emporté par un microscopique coup de foudre, laissant parfois échapper un petit « hummmm !!… » de satisfaction.

Dédoublement de personnalité seulement apparent car ces aventures secrètes se vivent sans jamais trahir le groupe. Bien au contraire. Les vibrations intimement ressenties amplifient en effet encore davantage le plaisir de l’être-ensemble. Etre dans le groupe tout en restant soi : dans les repas comme ailleurs, tel est le défi de notre modernité avancée.

 

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