La Science et l’Amour

M6 lance lundi soir une nouvelle émission, « Mariés au premier regard ». Tout semble bon désormais pour élargir l’audience des chaînes, mais là, le concept est particulièrement tordu. En deux mots : on propose à des hommes et des femmes qui avaient été réunis sous un autre prétexte de trouver pour eux leur partenaire idéal (comme au bon vieux temps) et de les marier, pour de vrai, « au premier regard », sans qu’ils aient eu l’occasion de se connaître avant !! Effet choc garanti, audience prometteuse.

Mais comment est-ce possible ? Il y a une astuce, un tour de magie. Voyez-vous, vous ne savez pas très bien qui vous convient en fait, « La Science », elle, elle le sait, elle a des algorithmes secrets qui lui permettent de savoir qui peut trouver le bonheur avec qui. Ce message étant asséné avec aplomb, on comprend que beaucoup de candidats soient tentés par l’expérience. De plus la chaîne, magnanime, les informe qu’ils auront ensuite le droit de divorcer, si par malheur, « La Science » aurait fait une petite erreur.

Il faut le dire tout net, cette Science-là n’existe pas, les fameux « tests de compatibilité » sont une imposture à 95% (il y a 5% de vrai là-dedans, mais vraiment pas plus). Ils étaient déjà vendus au prix fort sur les sites de rencontre, ici l’affaire prend une autre échelle. Le pire est que l’émission risque de marcher, et que les candidats soient tentés par l’aventure. L’idée du destin présidant aux choix amoureux (« c’était écrit quelque part ») faisait déjà une incroyable résistance, tant elle était rassurante. Mais si on nous dit maintenant que c’est « La Science » qui a la clé des cœurs, pourquoi se fatiguer à chercher soi-même ?

Prodigieux retour aux années 50. Aujourd’hui on vit à deux pendant une longue période, on met à l’épreuve le sentiment. C’est seulement ensuite que l’on décide de se marier, comme preuve d’un engagement, et du désir de fonder une famille. M6 pense que l’on peut oublier tout ça, puisque « La Science » permet de tout savoir. Et puis après tout ce n’est qu’un jeu. Non ce n’est pas qu’un jeu ! Dans mon dernier livre, je montre à quel point il peut être parfois difficile de divorcer, et comment on peut s’enfoncer dans la souffrance, jusqu’à avoir envie de mourir. L’émission embarque des personnes dans une aventure qui peut être très lourde de conséquences. La responsabilité morale de M6 est très grande dans cette histoire.

 

Sur Stéphane Edouard, « expert autoproclamé », voir l’article de 20 minutes :

http://www.20minutes.fr/television/1953671-20161104-m6-drole-expert-amour-donne-conseils-seduire-petites-sal

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4 Commentaires

  1. Angéla
    8 novembre 2016 - 22:16

    Je vous trouve dur, vous qui avez écrit tellement sur tous les comportements sociaux au sein des couples. Vous ne pouvez pas nié qu’il y a des comportements sociaux, psychologiques et sexuels qui sont plus compatibles que d’autres ? Là il n’est absolument pas question d’amour, ni de passion. On suppose simplement qu’il y a plus de chances de créer des sentiments entre deux personnes ayant des compatibilités sociales, sexuelles, cognitives…Etc, et que ces personnes ont à priori plus de capacités à pouvoir vivre ensemble. Après, no comment sur S.Edouard…

  2. 9 novembre 2016 - 09:11

    Oui bien sûr, mais depuis que des scientifiques (plus ou moins sérieux) travaillent sur cette question, les résultats sont extrêmement faibles tant c’est compliqué, et on peut dire pour résumer que ces tests n’ont aucune fiabilité, surtout ceux de M6. L’émission a déjà été diffusée dans 14 pays depuis plusieurs années. Résultat : après un an 18% de couples sont encore mariés. 82% ont divorcé !. On aurait sans doute obtenu mieux en tirant au hasard.

  3. Eliot
    15 novembre 2016 - 18:15

    A propos de Stephane Edouard, il vous consacre une fiche de lecture sur son site. On peut lui reprocher son style mais il à l’air de vous avoir lu.
    https://www.hommesdinfluence.com/articles/seduction-fondamentaux/22952_piegees-couple-vraies-raisons-lesquelles-femmes-malheureuses-restent-couple.html

  4. 16 novembre 2016 - 12:06

    Réponse à Eliot : non il ne m’a pas lu en fait, il a dû lire un article de presse qui parle de mon livre. Car s’il avait lu la seconde partie de mon livre, ses arguments seraient tombés à l’eau et il n’aurait pas pu écrire ce qu’il y a dans sa fiche de lecture

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