Une si belle histoire d’amour

 

Etienne et Margherita, le jour de leur mariage, le 9 novembre 1940

Une magnifique histoire d’amour, qui relate le mariage mouvementé de mes parents pendant la guerre. C’est mon petit cadeau de Noël : pour vous, elle est racontée par ma maman

 

« J’étais venue en France avec un permis de 15 jours, je n’avais pas prévu de rester travailler. Rapidement je me suis donc retrouvée sans papiers, employée au noir. De plus l’Italie était alliée avec l’Allemagne, dans le camp ennemi, ce n’était déjà pas facile.

Etienne, soldat sur le front, avait été fait prisonnier par les allemands. Dans le Frontstalag  240, à Verdun, les conditions étaient effroyables, il y en a beaucoup qui mourraient de faim tous les jours. Il s’est évadé. La raison principale de son évasion, ce n’était pas la faim ou le risque d’envoi en travail forcé en Allemagne, c’était le mariage. Nous avions réussi à obtenir les papiers de mariage avant qu’il ne soit fait prisonnier, et avant que l’Italie ne déclare la guerre à la France le 10 juin 40, il ne restait plus beaucoup de jours pour que les papiers restent valables. Il fallait vraiment qu’il s’évade.

Quand il est arrivé chez ses parents au Mans, la maison était vide, ils étaient partis en zone libre. Il a brulé ses vêtements, remplis de poux, dans le jardin. Il n’a pas eu trop de mal à me trouver, je travaillais comme employée de maison chez un docteur et sa femme, qui tenait une pharmacie.

Le mariage a été vite organisé, grâce à son ancien instituteur, qui avait été maire du Mans. Il fallait que le passage à la mairie reste discret, parce que je n’avais pas de papiers en règle, et Etienne était recherché par la police allemande.

Nous nous sommes mariés le samedi 9 novembre 1940.  Le matin, Etienne a été acheter un tandem, pour atteindre la zone libre. L’après-midi, nous sommes passés à la mairie, avec nos deux témoins, l’ancien chef d’équipe d’Etienne et sa femme. On n’y a pas été en cortège, il fallait qu’on reste discret, personne ne devait penser que c’était un mariage. Sauf qu’on était quand même bien habillés. J’avais mon tailleur bleu marine. La pharmacienne, qui avait été très gentille, m’avait offert un beau chemisier blanc et prêté un chapeau. Elle m’avait mis du rouge à lèvre et de la poudre de riz. C’est la première fois de ma vie que j’étais maquillée. A la sortie de la mairie, on a été chez le photographe, chez Hamelin en centre-ville, et puis j’ai filé chez le docteur, pour reprendre mon travail.

Le dimanche était la journée des festivités. Le midi nous avons mangé au restaurant « Le petit Vatel », place de la République, avec nos deux témoins. C’était un beau restaurant, mais nous n’avions pas beaucoup d’argent, nous avons pris le plat du jour. Ensuite, nous avons été tous les deux au cinéma, avant que je ne reparte travailler (je m’occupais de leur garçon le soir).

Le lundi matin, c’était la messe. Pour ne pas attirer les regards, le curé nous avait prévu à la première messe, celle de 7h30. Mais moi je travaillais le matin, et j’étais loin de l’église, il fallait que j’y aille à pied, je suis arrivée en retard. Notre seul témoin était Gisèle, une amie, qui était assise au premier rang. Le curé a cru que c’était elle la mariée, et lui a dit de s’avancer, près d’Etienne, qui était déjà tout seul debout devant. Heureusement, je suis arrivée à temps. Nous n’avions pas de deuxième témoin, c’est le bedeau qui a fait le témoin. Personne n’avait été prévenu, à l’église il n’y avait même pas les voisins, il ne fallait pas que ça se sache. Pourtant on en avait sans doute fait quand même trop, et des voisins nous ont dénoncés à la police. Il fallait donc partir aussitôt vers la zone libre, en tandem. 230 km jusqu’à Argenton-sur-Creuse. Pas question de garder le baluchon avec nos affaires. Pour le passage de la ligne de démarcation, à Bléré, nous avons enfilé deux ou trois épaisseurs d’habits sur nous, ce n’était pas facile pour pédaler. A un moment, nous avons entendu du bruit, nous avons caché rapidement le tandem et nous sommes mis à plat ventre dans un fossé. C’était une moto de militaires allemands. Nous avons eu si peur qu’après cela Etienne s’est mis à pédaler comme un fou. Et au bout de quelques kilomètres, il n’avait plus rien dans les jambes. C’est moi qui ai dû appuyer sur les pédales pour la fin du trajet !

Ensuite il y a eu de bons moments, nous avons été  au printemps 41 en voyage de noces au Cirque de Gavarnie dans les Pyrénées, moitié en train, moitié en tandem. Encore plusieurs centaines de kilomètres en tandem ! La nuit nous couchions dans des cabanes ou des granges trouvées le long de la route. Mais nous avons eu aussi beaucoup de très mauvais moments jusqu’à la Libération. Nous avons de nouveau été recherchés par la police allemande, et une vieille demoiselle, mademoiselle Marceau, nous a cachés avec un autre couple, des juifs polonais. Il fallait être bien cachés, parce que la division SS Das reich a commis un massacre à Argenton,  la veille de celui d’Oradour-sur-Glane. J’en fais encore des cauchemars aujourd’hui, et je ne peux toujours pas regarder de films qui portent sur la guerre. Ca m’empêche un peu de penser à notre belle aventure. Il faut dire que ce n’était pas un mariage ordinaire ».

 

Partager Facebook Twitter Email

2 Commentaires

  1. Gianfranco
    4 mai 2017 - 13:56

    E, alla fine, siete ancora la e…. festeggeremo tutti insieme sabato 6 Maggio 2017, un secolo dopo !

  2. Gisèle MENEZ
    7 septembre 2018 - 19:39

    Bonjour, je viens de découvrir par hasard une belle histoire!J’ai connu Etienne et Margherita dans ma jeunesse, je suis la nièce d’Emile Vercelletto et Joséphine MENEZ,donc la cousine de Jean Jacques et MarieLouise

Poster un commentaire