Un rêve de femmes
Tout au long de l’année, je reçois de nombreuses demandes d’interviews sur la « nouvelle tendance » des couples où la femme est plus âgée que son conjoint. Presque toujours ce sont des journalistes femmes qui me demandent l’interview, passionnées, convaincues. Je comprends leur passion, leur agacement que l’écart d’âge entre conjoints change si lentement, que des hommes vieux puissent se mettre en couple avec des jeunes femmes en secondes noces et non l’inverse. Entendons-nous bien : chaque histoire est particulière, on ne réfléchit pas sur l’âge de son amoureux lors d’une première rencontre. Ainsi on m’a souvent demandé de me prononcer sur le couple Macron et j’ai refusé de le faire car je ne connais pas assez son histoire. Mais en moyenne statistique par contre, l’écart d’âge est très significatif, et vérifié à toutes les époques, dans tous les pays du monde : plus l’écart d’âge est important (avec un homme plus âgé), plus le statut des femmes dans la société est inférieur, elles sont soumises et ont peu de droits.
En France, le fait que l’écart d’âge évolue très peu et que les hommes restent en moyenne plus âgés de plus de deux ans témoigne d’un fait important : l’égalité entre les hommes et les femmes n’avance que très lentement.
Or aujourd’hui l’INSEE publie de nouveaux chiffres, signalant un frémissement : en 50 ans les couples où la femme est plus âgée que l’homme sont passés de 10 % à 16%. Victoire ! Enfin ! Mon téléphone n’a pas arrêté de sonner depuis hier soir, plus de dix demandes d’interviews. Regardez les titres des articles dans les journaux : les couples où la femme est la plus âgée sont de plus en plus nombreux. Eh bien, titrer ainsi, c’est travestir la réalité, prendre ses rêves pour la réalité.
Ce n’est pas totalement faux bien sûr, il y a bien une évolution, extraordinairement lente et extraordinairement minoritaire, qui mérite qu’on l’analyse, et qui signale sans doute qu’une petit groupe de femmes, encore très minoritaires, développe un type de comportement différent. Mais vous connaissez l’histoire du verre à moitié plein et à moitié vide. Ici il faudrait d’ailleurs dire, au quart plein et aux trois quarts vide. Car la principale information, celle qui aurait mérité les titres n’est pas dans les 6% en 50 ans mais dans l’inverse : la progression est incroyablement lente et minuscule, l’écart d’âge reste très majoritairement en faveur des hommes, témoignant d’un jeu de rôles entre hommes et femmes qui n’évolue que très peu.