Saint-Valentin

Tous les ans, à partir de fin janvier, m’arrivent plusieurs dizaines de demandes d’interview sur la Saint-Valentin. Je dois dire que cela commence à être un peu lassant, et je n’accepte plus que les plus intéressantes. Par exemple quand Carole Gaessler (dont j’apprécie depuis longtemps le beau travail journalistique) me demande d’intervenir sur le plateau de son émission (sur France 5) “Le monde en face”, comme je l’ai fait avant-hier. Et cela d’autant plus que ce débat suivait un documentaire (“Le goût de l’amour”) réalisé par Leslie Bedos, que je connais bien, car nous avons fait ensemble, pour les éditions Lattès, une tournée de salons du livre à travers la France. Bref, quand c’est comme cela, je n’hésite plus du tout à dire oui, et j’ai même très envie d’être là, de quitter ma Bretagne pour aller à Paris.

A propos de la Saint-Valentin, voici un petit texte que j’avais rédigé il y a quelques années pour Psychologies Magazine

Le piège de la Saint-Valentin 

 

Certaines dates sont redoutables pour les célibataires. Noël par exemple, qui imprègne l’air ambiant d’une symbolique familiale si puissante que le pauvre solo ne se sent pas très à son aise. Ou la Saint-Valentin. Rien n’égale en horreur la Saint-Valentin. Les petits cœurs en velours rouge ou chocolat sont autant de crève-coeur. Et ne parlons pas de sortir le soir, ne parlons pas d’aller au restaurant ! Comment trouver sa place en effet sans se sentir montré du doigt entre les alignements de tables pour deux avec bougie ? Officiellement la Saint-Valentin se présente comme la fête de l’amour. En réalité elle est bien davantage la fête du couple, voire de la norme conjugale, qui stigmatise ceux dont la vie privée est différente. A la Saint-Valentin, il en est qui rasent les murs.

Et tout cela c’est sans parler du commerce ! Il y a des histoires de gros sous derrière les petits cœurs dans les vitrines ; la Saint-Valentin est avant tout la fête des fleuristes et des restaurateurs. Le commerce cependant n’explique pas tout. Malgré des efforts marketing considérables, la fête des grand-mères ou la fête des secrétaires par exemple ont fait un flop. Si la Saint-Valentin a pris une telle ampleur et se maintient, c’est qu’il y a des raisons. Une raison surtout ; la culpabilité masculine.

Les attentes ne sont pas unanimes vis-à-vis du couple. Beaucoup de femmes rêvent de merveilles, d’une relation vivante qui fasse exister plus fort, d’une attention à soi continuelle. Les hommes ne sont pas contre en principe. Mais dans la réalité quotidienne ils sont d’abord attirés par un idéal de réconfort tout simple, fait de bonheur de l’instant, sans prise de risque ni tension. Le décalage est donc évident et les hommes en ont conscience. Ils savent qu’ils ne sont pas à la hauteur des attentes, qu’ils créent régulièrement une vague insatisfaction.

La Saint-Valentin se présente alors comme une compensation symbolique,  un grand rattrapage. Mais un rattrapage obligatoire. Gare à l’homme qui oublierait la date ! Maintenant que les petits cœurs sont partout, l’absence de cadeau équivaut  à une déclaration de désamour. Et il y a pire. Le bouquet de fleurs trop habituel (les mêmes roses depuis des années) risque de signaler un sentiment un peu fade et routinier, voire un amour en baisse. Il faut donc imaginer autre chose, faire mieux que ce que l’on a déjà fait (un cadeau inattendu visant au plus juste des aspirations secrètes, une déclaration publiée par voie de presse, etc.) Hélas le pauvre amoureux s’engage alors dans une spirale infernale, où il lui faudra inventer chaque année davantage. D’autant que la concurrence fait rage autour de lui, et qu’il doit ne pas faire moins que ses collègues, amis, cousins ou voisins.

Les hommes ont béni la Saint-Valentin au début. Un bouquet suffisait pour effacer la culpabilité accumulée depuis des mois. En fait, bouquet après bouquet, ils construisirent le piège collectif qui allait bientôt les enfermer. Les voici donc désormais prisonniers, condamnés rituellement aux travaux forcés de l’amour, consistant à être les princes charmants d’un jour. Vous conviendrez toutefois qu’il y a pire châtiment. Vive la Saint-Valentin !

Une ancienne édition de “La femme seule et le Prince charmant”

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3 Commentaires

  1. Hélène
    30 septembre 2013 - 10:29

    Mon ami et moi ne fêtons pas la Saint-Valentin, c’est bien mieux et plus simple ainsi ! Du coup, on met le paquet pour nos anniversaires respectifs :) Ou on se fait des petites surprises de temps en temps.

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