Le nouveau romantisme

« Pour Jean-Claude Kaufmann, le romantisme est devenu has been » : c’est ainsi qu’une chronique de France-info, reprenant un article de Marie-Claire, a commencé vendredi. Le petit problème est que je n’ai jamais dit cela. Et que je pense même exactement le contraire : nous n’avons jamais eu autant besoin du romantisme. Certes j’explique dans mes travaux que les comportements calculateurs et égoïstes se sont beaucoup développés : on recherche le partenaire idéal comme un produit dans un supermarché. Mais en même temps, ce matérialisme à courte vue produit une profonde insatisfaction, et nous rêvons tous d’être entraînés vers un ailleurs de plénitude heureuse.

Il reste cependant à bien se mettre d’accord sur ce que l’on entend par romantisme. Le mouvement est né au 19ème siècle. Ce fut un immense élan, qui entraîna toute l’Europe, et dont nous avons oublié qu’il fut d’abord une contestation politique et philosophique, non réduite à la seule sphère privée. L’idée du romantisme était de refuser les horizons étroits de la nouvelle civilisation mercantile qui envahissait les esprits. De nous arracher à la médiocrité de l’ordinaire, par un souffle vibrant indéfinissable. Il était une tentative extrême et désespérée d’atteindre le sublime. Il échoua dans ces hautes ambitions, se fourvoyant dans le mysticisme à mystères, les noirceurs mortifères ou le conservatisme archaïque. Mais cet échec, par un retournement spectaculaire, engendra de façon étonnante les couleurs roses et douces de la romance, le romantisme sentimental et courtois tel que nous le connaissons encore aujourd’hui.

Le terme bien souvent renvoie cependant beaucoup trop à un simple décor (petite musique, bougies) exploité par les marchands de voyages. Le vrai romantisme est tout le contraire de ce simple décor, c’est une rupture existentielle radicale. La seule différence avec le 19ème siècle est que nous ne voulons plus de la souffrance et des chagrins qui caractérisaient le romantisme de cette époque. Nous voulons inventer un nouvel univers qui rayonne de bonheur. C’est cela le nouveau romantisme.

Le romantisme authentique n’est pas une question de style, une simple manière d’être poétique et sentimentale. C’est l’invention d’un nouveau monde (idéalement sentimental et harmonique) contre le monde existant. On remarque les amoureux dans le fait qu’ils se chuchotent à l’oreille: ils échangent leurs secrets, pour créer leur « île enchantée ». Créer l’île enchantée implique un arrachement : les deux amants doivent abandonner leurs anciens mondes personnels, et rompre une à une les amarres ; avec d’anciens amis, avec des habitudes, avec des objets. Avec tout ce qui faisait que la vie était ce qu’elle était. Cela nécessite un travail difficile voire pénible, sauf quand la dynamique de l’élan sentimental produit la rupture romantique. L’aventure romantique est la grande utopie de notre époque.

 

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2 Commentaires

  1. Sophie M
    20 octobre 2013 - 15:35

    Beau résumé des attentes d’aujourd’hui! Beaucoup d’idées fausses circulent sur le couple. Il semble que le bonheur conjugal soit lié à la capacité personnelle de chacun des membres du couple à avoir une attitude intelligente émotionnellement = Rencontrer et accepter l’autre dans ses différences et développer les moments de complicité (seuls(à nous deux) contre tous)… rien à voir avec la fusion (qui tente à éliminer les différences pour ne faire qu’un), mais la richesse de nos différences et l’équilibre entre le “pour moi, pour nous, pour eux (la famille, les autres relations)”

  2. esteban ubretgi
    13 janvier 2016 - 18:49

    Je viens de lire cet article…Le Nouveau romantisme se nomme aussi Savagisme!

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