Brazilian Black Blocs
Séjour agité au Brésil ! Un très long voyage (20 heures x 2) pour arriver à Cachoeira, au fin fond de l’Etat de Bahia, pour seulement un jour et demi sur place. Certains diront que cela ne vaut pas le coup. Mais il me semble que plus le temps est court, plus on a le pouvoir de vivre les choses avec intensité. Et de ce point de vue, j’ai été gâté !! D’abord il y eut le Brésil de rêve, des orchestres de samba (ou plus électro) à tous les coins de rue, sous une chaleur presque trop (38°). Et cela dans une petite ville où règnent encore les carrioles (qui n’ont rien de touristique !) tirées par des ânes. Cachoeira était toute entière envahie par la « Flica », fête du livre attirant des passionnés de lecture venus de Salvador et même de Rio. Un spectacle étonnant et qui fait chaud au cœur !
Et puis tout bascula soudain dans la tension. Depuis que les grandes manifestations contre le mondial de foot se sont affaiblies, le relai a été pris par quelques groupes extrémistes et très violents, dont la caractéristique est de refuser le débat. Sûrs de leurs idées, ils cherchent à les imposer en interdisant la parole des autres. C’est ainsi qu’ils sont intervenus à Cachoeira, pour empêcher un débat sur les indiens, parce que Démétrio Magnoli y participait. Pour eux, c’est un raciste, un point, c’est tout. J’avais mangé avec Demétrio la veille, et nous avions longuement parlé de la France. Car cet homme de gauche est passionné par la laïcité à la française et la politique d’intégration refusant le communautarisme. C’est la raison pour laquelle il s’oppose aux quotas réservant des places aux indiens, qui leur permettent de rentrer à l’université sans concours, comme le font les autres Brésiliens. Il n’a rien contre les indiens, bien évidemment, ce sont les effets pervers des quotas qu’il dénonce.
La police n’étant pas assez nombreuse sur place pour assurer la sécurité, les organisateurs décidèrent de supprimer l’autre table ronde, celle à laquelle je devais participer (car Luiz Felipe Pondé, qui devait débattre avec moi, ne plaisait pas non plus aux manifestants). Pourtant nous ne devions parler que d’amour, le thème de la table ronde !!! Il était interdit de parler d’amour !!! Au Brésil !!!
Il faut suivre la situation de très près. La réussite économique époustouflante du Brésil repose sur des failles très problématiques et une inégalité sociale encore plus frappante que dans d’autres pays (et la souffrance des indiens bien sûr est très profonde et insupportable). Tout cela risque d’exploser plus ou moins tôt. Comme en Grèce par exemple. Et comme en Grèce aussi, des extrémistes sectaires (en Grèce, ce sont les nazis d’Aube Dorée) peuvent capter la révolte à leur profit. Et les conséquences pourraient en être dramatiques. Tout cela commence parfois par le simple fait que l’on interdise de parler d’amour !